Nous avons toujours présenté l’autoconsommation collective comme un modèle permettant à des producteurs de vendre leur électricité renouvelable à des consommateurs voisins, à des tarifs attractifs pour les deux parties selon un principe gagnant-gagnant. Mais les prix du marché de l’électricité ont baissé depuis la crise énergétique de 2022 et, au 1er février 2025, les tarifs réglementés ont affiché une baisse de 15 %.
Cette évolution peut alors faire douter à la fois les porteurs de projets d’autoconsommation collective et les potentiels consommateurs : est-ce que le modèle reste intéressant et rentable ?
La baisse du prix de l’électricité, un répit de courte durée ?
La baisse des tarifs réglementés concerne la majorité des ménages. Derrière cette baisse, se cachent plusieurs variations des prix décidées par le gouvernement : tandis que l’électricité seule a baissé de 40 %, les taxes (accise) et les frais réseaux ont augmenté respectivement de 60 % et de 7,7 %. Avec ce détail, on comprend que cette baisse apparente masque une hausse de la fiscalité dans une période propice de prix bas sur le marché de l’électricité. À noter que cette hausse de la fiscalité ne concerne pas seulement les ménages mais impacte aussi toutes les entreprises et collectivités.
Pourtant, ces prix bas de fourniture d’électricité ne le seront pas éternellement. Tout d’abord, le mécanisme de remplacement de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH), négocié entre EDF et le gouvernement, va entraîner une hausse des tarifs de l’électricité chez l’ensemble des fournisseurs dès janvier 2026. Ensuite, le marché de l’électricité français est aujourd’hui dans une situation rare et non-pérenne : l’offre est actuellement haute par rapport à la demande. Cela est dû notamment à notre retard pris dans l’électrification de nos usages, étape indispensable de la transition énergétique et pour la tenue de nos objectifs climatiques. Ces 2 éléments nous font comprendre que la baisse actuelle des prix de marché de l’électricité est avant tout un effet conjoncturel et en aucun cas une garantie de stabilité à long terme.
L’autoconsommation collective : un bouclier tarifaire local pour les consommateurs
Il est donc primordial de ne pas attendre pour se poser la question de sa sécurité d’approvisionnement en électricité. Fort heureusement, une solution existe : l’autoconsommation collective, un modèle permettant aux consommateurs professionnels ou particuliers d’acheter son électricité en direct à un producteur local, via des contrats de gré à gré. Ce modèle en circuit court permet de fixer un prix de vente d’électricité stable et visible sur le temps long.
Le nouvel argument clé en faveur de l’autoconsommation collective est le tarif particulier de l’accise à 0 € sur l’électricité voté dans le dernier projet de loi finance. Lorsque la centrale de production locale est d’une puissance inférieure à 1 MW (équivalent à 5 000 m2 de panneau photovoltaïque), les consommateurs qui en achètent l’électricité en autoconsommation collective ne payeront donc pas d’accise, c’est-à-dire de taxe sur l’électricité. Cette suppression représente une marge de manœuvre supplémentaire substantielle, pouvant aller jusqu’à 3,37ct €/kWh, permettant ainsi aux producteurs et aux consommateurs de définir un prix de vente intéressant pour chacun.
L’autoconsommation collective est donc une solution stratégique, à la fois côté consommateurs (pour sécuriser une partie de ses factures) mais aussi côté producteurs (pour sécuriser des débouchés économiques). Elle a déjà convaincu 8 000 Français avec une croissance qui s’accélère. En effet, depuis 2020, on constate une multiplication par 2 des participants en autoconsommation collective chaque année.
Des chiffres qui démontrent clairement la popularité montante de ce modèle, mais aussi sa méconnaissance au regard de la trentaine de millions de compteurs d’électricité qui restent soumis aux aléas du marché et des décisions politiques.
Diversification de revenus : un atout majeur pour les producteurs
On peut donc se demander pourquoi les producteurs d’électricité renouvelable se questionnent encore sur la profitabilité ou la pérennité du modèle. Ils devraient au contraire se lancer dans l’autoconsommation collective, un modèle gagnant pour tous.
Certains répondront que l’autoconsommation collective ne pourra jamais remplacer les mécanismes de soutien étatique sur lesquels reposent la majorité des business plans des producteurs d’énergies renouvelables. Pourtant, il n’est pas pertinent d’opposer les deux modèles : ils sont parfaitement complémentaires et permettent une diversification des revenus.
Au regard des actualités brutales pour la filière des énergies renouvelables (remise en cause des décrets tarifaires dans le solaire, changement des règles de subventionnement, restriction budgétaire au niveau de l’Etat, etc.), nous pouvons aussi voir l’autoconsommation collective et sa logique de vente directe comme une opportunité pour une transition en douceur vers des business model moins dépendants du marché et des mécanismes de soutien étatique.
Vers une accélération du modèle : pourquoi il faut agir maintenant
Nous sommes à un point de bascule pour le monde de l’énergie : les acteurs se demandent s’ils peuvent faire confiance au marché ou à l’Etat, les consommateurs n’ont plus de visibilité sur les tarifs d’électricité à venir, et les modèles d’affaires historiques de valorisation d’électricité sont remis en cause. Alors, allons-nous accepter de basculer dans un écosystème énergétique plein d’incertitudes ?
Je pense plutôt que nous allons basculer dans un monde, qui se construit déjà, où la stabilité des prix de l’électricité pour les consommateurs comme pour les producteurs se dessine grâce à des modèles de circuit court. La question n’est donc pas de savoir si l’autoconsommation collective va survivre à la baisse passagère des prix de l’électricité, mais qui s’en saisira dès maintenant pour préparer l’avenir et en tirer le meilleur parti ?
